L’ANCIEN AVOCAT DE M. BEMBA SOUHAITE QUE LE JUGE DE LA CPI STATUANT SUR L’AFFAIRE DE SUBORNATION DE TÉMOIN SOIT RÉCUSÉ
Aimé Kilolo-Musamba, un avocat qui représentait antérieurement Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI), souhaite la récusation du juge de la mise en état traitant son affaire de subornation présumée de témoin.
Dans une demande du 1er mai 2014 adressée à la présidence de la Cour, les avocats de M. Kilolo ont soutenu que le juge Cuno Tarfusser avait émis des « mandats judiciaires peu orthodoxes et légalement non fondés » qui favorisaient totalement le Bureau du Procureur, transformant le juge en un « second procureur ».
Ghislain Mabanga, qui représente M. Kilolo, a également souligné la hâte présumée du juge dans l’émission des mandats d’arrêt à l’encontre de son client et des quatre co-accusés. Il a attaqué le juge pour avoir eu des actes et des propos qui « contrevenaient manifestement à la présomption d’innocence et qui insinuaient plutôt la culpabilité ».
M. Mabanga a déclaré que le juge Tarfusser s’était impliqué « personnellement » dans l’enquête sur les suspects, notamment en désignant « de manière unilatérale » un avocat indépendant, en interférant dans l’étendue et la méthodologie de les enquêtes de l’accusation et de l’avocat indépendant et en demandant personnellement à la présidence de la Cour la levée de l’immunité de M. Kilolo.
Il a indiqué que, pour ces raisons, le juge Tarfusser ne pouvait plus être considéré comme totalement impartial et devait être récusé pour toute procédure liée à cette affaire.
Les charges de subornation de témoin ont été portées en novembre dernier à l’encontre de M. Bemba et à l’encontre de ses avocats de l’époque, M. Kilolo et Jean-Jacques Mangenda Kabongo. Les mêmes charges ont été portées à l’encontre de deux autres anciens assistants de M. Bemba, un ancien vice-président de la République démocratique du Congo.
Les enquêteurs ont mis sur écoute les appels téléphoniques et ont intercepté les e-mails échangés entre M. Bemba et ses avocats. Un avocat indépendant a ensuite été désigné pour examiner les journaux des appels téléphoniques et pour écouter les enregistrements.
M. Mabanga a soutenu que le Statut de Rome, le statut fondateur de la Cour, n’envisageait pas la nomination d’un avocat indépendant extérieur pour faciliter une enquête interne de la Cour. Il a indiqué qu’il n’y avait que l’accusation qui était investie du pouvoir d’enquêter.
Il a affirmé que, après avoir désigné l’avocat indépendant, le juge lui avait donné « de manière explicite » des instructions sur la manière dont il devait exécuter son mandat, le chargeant « en particulier » de ne trouver que des éléments de preuve à charge. « Le juge unique n’a pas exigé que l’avocat indépendant cherche des éléments de preuve à décharge, une exigence qui est imposé même à l’accusation », a affirmé M. Mabanga.
L’avocat de la défense a également soutenu que la célérité avec laquelle le juge avait émis le mandat d’arrêt et la demande de levée d’immunité de M. Kilolo était « tout à fait étonnante et suggérait une erreur judiciaire flagrante ».
Selon M. Mabanga, la demande de l’accusation concernant un mandat d’arrêt avait été présentée au juge le 19 novembre 2013, totalisant 50 pages et étant accompagnée de 55 annexes représentant plus de 1 500 pages. Les annexes comprenaient plus de 30 000 éléments d’information et plus de 18 000 enregistrements d’appels téléphoniques et de messages textuels.
Lors de la réception d’une demande de mandat d’arrêt et en « quelques heures », le juge unique aurait fait la demande en urgence auprès de la présidence de la Cour de la levée de l’immunité de M. Kilolo afin de donner suite à la demande de l’accusation. L’avocat a déclaré que la demande du juge de lever l’immunité était accompagnée d’une ébauche de mandat d’arrêt.
En se basant sur deux rapports réalisés par l’avocat indépendant, soumis en octobre et novembre de l’année dernière, le juge Tarfusser avait émis des mandats d’arrêt à l’encontre des cinq suspects. Le mandat d’arrêt énonçait que M. Bemba avait monté un « projet criminel » depuis la cellule dans laquelle il était détenu à La Haye en parlant à des témoins et en autorisant des paiements en échange de faux témoignages pour son procès en cours.
« Le fait que le juge unique ait été en mesure de recevoir, d’examiner, d’analyser, de délibérer et de décider de l’immédiate privation de liberté des suspects en quelques heures est sidérant », a indiqué M. Mabanga. Il a ajouté que même avec l’aide d’une équipe extrêmement efficace, il aurait été impossible d’examiner tous les documents en moins de 48 heures.
Il a argué que lors de la réception de la demande de mandat d’arrêt, le juge aurait dû ordonner au procureur de présenter d’abord une demande à la présidence de levée de l’immunité : « Le fait que le juge unique fasse lui-même la demande de levée d’immunité est non seulement peu orthodoxe mais légalement non fondé ».
Le juge a également été accusé de faire « souvent » référence à la commission effective des crimes par M. Kilolo au lieu de la perpétration présumée d’infractions. Parmi les références relevées figurent le « rôle déterminant » joué par M. Kilolo dans le prétendu projet de subornation de témoin et la décision du juge lui refusant la liberté conditionnelle puisque « M. Kilolo a été déclaré coupable devant le tribunal de l’opinion publique et judiciaire ».