Lambert Mende Omalanga, ministre des Médias et porte-parole du gouvernement (?)
Au cours d’un point de presse qu’il a animé, vendredi 8 août, le ministre des Médias et porte-parole - plus du président de la République que - du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a fustigé les déclarations de l’envoyé spécial américain dans la Région de Grands lacs Russel Feingold en exigeant des "explications" voire des "excuses". Mende refuse ainsi de "relire" les nombreux accords signés par "Joseph Kabila" sous l’égide notamment des Nations Unies. C’est le cas de l’Accord le 24 février 2013 signé à Addis Abeba, en Ethiopie.
Analyse
Dans une déclaration faite le samedi 2 août sur les ondes de la "Voix de l’Amérique", l’Envoyé américain Russel Feingold a, d’une part, exhorté les autorités congolaises à organiser des "élections crédibles". Il a, d’autre part, exprimé son "trouble" suite au retard mis par la Céni (Commission électorale nationale indépendante) dans l’élaboration du calendrier électoral "global" alors que les Congolais doivent aller aux urnes pour les élections locales, provinciales et présidentielle d’ici 2016. Feingold de réitérer, au passage, le message transmis à "Joseph Kabila", début mai, par le secrétaire d’Etat américain John Kerry de "respecter la Constitution".
Exerçant un "droit de réponse" sur les ondes du même média, Mende - qui se comporte de plus en défenseur des intérêts personnels de l’individu "Joseph Kabila" qu’en porte-parole du gouvernement congolais - s’est cru en droit de "blâmer" le diplomate américain. "Il faut du respect pour les représentants légitimes du peuple congolais, a-t-il déclaré. Nous ne sommes pas venus ici pour recevoir des admonestations d’un représentant du ministère américain des Affaires étrangères." Quelle cécité diplomatique! A-t-il entendu le département d’Etat ou la Maison Blanche "désavouer" Feingold?
Pour "Lambert", qui se croit encore à l’époque où il militait dans les rangs de l’opposition, la prise de position de l’Envoyé US est "totalement déplacée". Au motif, selon lui, que l’Américain serait "sorti de son rôle". Mende de marteler sans y croire : "Nous sommes un peuple souverain, un peuple adulte. Nous condamnons cette façon de faire." Des mots. Rien que des mots.
"N’est pire aveugle que celui refuse de voir", dit l’adage. Lambert Mende parait aveuglé au point d’ignorer que derrière Russ Feingold se tient la puissante Amérique. Il s’agit de cette même Amérique qui est la première pourvoyeuse de fonds dans le budget de la Mission onusienne au Congo. En fait, le pays de Barack Obama commence à accuser une certaine "lassitude" face à l’instabilité devenue récurrente dans l’ex-Zaïre.
Depuis 1999, les forces onusiennes se trouvent dans ce pays afin de promouvoir la "stabilisation". Preuve s’il en était besoin qu’en dépit de la "souveraineté" claironnée par les pseudo-nationalistes au pouvoir, le Congo-Kinshasa est loin d’exercer la "compétence exclusive" reconnue à chaque Etat digne de ce nom sur son territoire. En cause, l’incurie de la classe dirigeante. Une classe dirigeante chapeautée par un leadership arrogant et inefficace. Ici, la diplomatie est fondée sur la dépendance. Comment peut-on, dès lors, fustiger l’ingérence alors que les deux phénomènes vont de pair?
L’ex-rebelle Lambert Mende a-t-il oublié que, depuis 2003, pour boucler son budget, l’Etat congolais compte sur des "ressources extérieures" estimées à plus de 50% de l’enveloppe? Que pense-t-il de l’Accord d’Addis Abeba du 24 février 2013 qui "enjoint" au Congo démocratique de consolider l’autorité de l’Etat dans sa partie orientale, de promouvoir notamment la démocratie et de réformer les forces dites de sécurité? Que dire de la brigade internationale mise sur pied aux termes de la Résolution 2098 du Conseil de sécurité du 28 mars 2013?
Lancé dans une lutte d’influence consistant à montrer qu’il est plus "kabiliste" que "Joseph Kabila" lui-même, Mende de poursuivre sans rire : «Interdire la révision de la constitution prévue par la constitution (article 218) ou interdire tout débat sur l’article 220 de la constitution qui prévoit des exceptions à la règle instituée par l’article 218 est une usurpation de qualité». Et d’ajouter : «Une révision constitutionnelle est parfaitement justifié dès lors qu’elle se destine à faire rimer démocratie, facilitations institutionnelles et stabilité dans le pays et qu’elle respecte les mécanismes prévus à cet effet ».
Lambert Mende et la mouvance kabiliste savent bien que ces derniers arguments constituent ni plus ni moins que des prétextes fallacieux. Des prétextes cousus du fil blanc. On cherche en vain "l’intérêt national" ou le "bien-fondé" nécessitant la révision constitutionnelle. Et ce, à la veille des consultations politiques majeures. Même un malvoyant perçoit que l’objectif non-avoué se limite à faire sauter le "verrou" qui empêche "Joseph Kabila" de briguer un troisième mandat.
L’envolée lyrique du ministre congolais des Médias étonne. Car les propos tenus par Russel Feingold constituent plus une "piqûre de rappel" qu’un fait nouveau. Lors de sa rencontre avec "Joseph Kabila", dimanche 4 mai, à Kinshasa, le secrétaire d’Etat américain John Kerry n’avait pas dit autre chose en mettant l’accent sur le "respect de la Constitution". Kerry semblait emboiter le pas au législateur de 2005 lequel avait prévu l’article 64 pour garantir l’alternance démocratique et surtout "contrer toute tentative de dérive dictatoriale". Il y va de la stabilité du pays.
L’obsession de "Joseph Kabila" et sa mouvance à arracher la révision constitutionnelle prend des allures d’une "tentative de coup d’Etat". Le pouvoir rend, décidément, aveugle. Et sourd...
Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2014
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