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Verso
Marie-France Cros
Mis en ligne le 21/02/2012
Le ministre des Affaires étrangères l’a annoncé au Parlement pour la fin mars. Didier Reynders base-t-il sa politique congolaise sur une erreur de traduction ?
Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), a annoncé vendredi au Parlement son intention de se rendre au Congo fin mars. Selon la rue des Petits Carmes, le voyage est encore à l’état de projet et les dates de la mission ne sont pas encore confirmées.
A son poste depuis le 6 décembre dernier, M. Reynders avait pris position sur l’ancienne colonie belge onze jours plus tard, regrettant, dans un communiqué, que la Cour suprême du Congo "n’ait pas usé de ses prérogatives pour un examen plus approfondi, critique et indépendant des résultats" officiels de la présidentielle du 28 novembre, qu’elle n’avait pas changé d’un iota malgré l’avalanche de dénonciations d’irrégularités. Le ministre s’était, en conséquence, contenté de "prendre note des résultats définitifs des élections présidentielles " et avait annoncé qu’il n’assisterait pas à la prestation de serment de Joseph Kabila, le 20 décembre. Ce jour-là, seul le président Mugabe du Zimbabwe - lui-même irrégulièrement élu - avait assisté à la cérémonie, malgré les nombreuses invitations lancées par la présidence congolaise.
M. Reynders avait ajouté qu’il envisageait de se rendre au Congo après la mise en place de l’Assemblée nationale " dans des conditions meilleures que pour les élections présidentielles" .
Ce ne fut guère le cas : l’Eglise du Congo a qualifié de "honte " le déroulement du dépouillement des bulletins à la législative (tenue le même jour et dans les mêmes conditions que la présidentielle), tandis que Thierry Vircoulon, directeur pour l’Afrique centrale à l’International Crisis Group, indiquait à "La Libre Belgique" (10 février) qu’" à l’instar de l’élection présidentielle, ( les résultats officiels NdlR) de l’élection législative semblent relever de la magie électorale plus que de la vérité des urnes" .
Entre-temps, le ministre belge avait indiqué, à plusieurs reprises, que les fraudes massives enregistrées lors des élections congolaises "n’avaient pas changé l’ordre d’arrivée" des candidats à la présidentielle. Cela pouvait surprendre.
En effet, alors que l’écart officiel des voix entre Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi est de trois millions de voix, les fraudes les plus massives atteignent à elles seules ce chiffre : dénonciation, par la société informatique belge qui avait fourni le matériel électoral, Zetes, de l’existence d’un million de doublons (électeurs enregistrés deux fois ou plus) dans seulement quatre provinces où la liste électorale avait été revue par ses soins; projeté à la totalité du pays, ce chiffre devient 3,6 millions de doublons.
Selon les autorités congolaises, 3,3 millions d’électeurs ont voté hors liste électorale (" listes de dérogation "). En outre, 1,2 million de bulletins de vote a été égaré, essentiellement dans les fiefs de Tshisekedi, Kinshasa et les Kasaï.
Le journaliste indépendant Arnaud Zajtman a peut-être trouvé le fin mot de la surprenante obstination de M. Reynders au sujet de "l’ordre d’arrivée". Le ministre dit en effet baser sa conviction sur le rapport du Centre Carter. Or, souligne notre confrère, la traduction française de ce rapport omet un mot essentiel, qui change radicalement le sens de la version originale - celle qui fait foi, en anglais. Cette dernière dit, après avoir énuméré les irrégularités du processus électoral : " Cette déclaration ne propose pas que l’arrivée des candidats est nécessaire ment différent de celui annoncé par la Ceni (Commission électorale nationale indépendante). S eulement que le processus d’obtention des résultats n’est pas crédible" (voir "LLB" du 19 décembre). Autrement dit : on ne se prononce pas sur ce point. Mais la version française a mystérieusement fait disparaître le " nécessairement "; le texte tronqué, du coup, indique - comme M. Reynders - que l’ordre d’arrivée des candidats est inchangé.
A Washington - où l’on a évidemment lu le rapport du Centre Carter en anglais - Johnnie Carson, secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines, avait déclaré :"Il est important de noter que nous ne savons pas - et il pourrait être impossible de déterminer avec certitude - si l’ordre final des candidats aurait été différent des résultats." Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat, indiquait quelques jours plus tard :"Il n’est toujours pas clair si les irrégularités étaient à même de modifier l’issue de l’élection" (voir "LLB" du 23 décembre).
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