La rentrée parlementaire est placée sous haute pression à Kinshasa. Le débat sur la possible modification de la Constitution qui permettrait à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat s’emballe. En dehors de l’opposition politique qui dénonce depuis plusieurs mois l’éventualité d’un « tripatouillage » constitutionnel, c’est maintenant toute la société civile qui se positionne… majoritairement pour demander aux parlementaires de ne pas toucher à la Constitution.
« Coup d’Etat constitutionnel »
Les premiers à faire pression sur les présidents des deux chambres à la veille de la rentrée parlementaire, sont un collectif de 600 ONG et organisations de la société civile. Objectif du texte : décourager toute nouvelle initiative de révision ou de changement de la Constitution. Pour le collectif, « on ne peut pas changer la Constitution sans que ce changement soit un coup d’État constitutionnel« . Quand au possible référendum que prévoierait la Majorité présidentielle, les ONG précisent que « le doute plane sur son caractère démocratique« . Selon la société civile, la seule motivation d’une révision de la Constitution serait de permettre au président Kabila de déverrouiller l’article 220 et de pouvoir se représenter à sa propre succession en 2016.
« L’article 220 a été verrouillé par le constituant lui-même »
Dans le concert des opposants, l’église catholique, via la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a tenu à réaffirmer pour la seconde fois son opposition à une modification de la Constitution. Les évêques affirment que « la menace devient de plus en plus précise » et note que « la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle« . Si la CENCO reconnaît que « toute Constitution peut être modifiée« , l’église explique que le fameux article 220, qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels, « a été verrouillé par le constituant lui-même, justement pour échapper à cette modification« .
Kengo dit « non«
La troisième salve anti-révision constitutionnelle est plus inattendue puisqu’elle vient d’un (ex ?) allié de Joseph Kabila : Léon Kengo. Le président du Sénat a surpris tout le monde lors de son discours d’ouverture de la session ordinaire en appelant « au strict respect des articles verrouillés« . Bien que dans l’ »opposition« , Léon Kengo s’était rapproché de la Majorité présidentielle lors des Concertations nationales, censées « consolider la cohésion nationale« , majorité et opposition confondues. Le président du Sénat s’était alors (prématurement) déclaré « disponible » pour le poste de Premier ministre du nouveau gouvernement de cohésion nationale, issu des Concertations. Depuis cette annonce, le gouvernement n’a toujours pas vu le jour, et la primature semble s’éloigner pour Léon Kengo. Certain de ne pas obtenir le poste tant convoité, Léon Kengo s’est-il « lâché » contre Joseph Kabila lors de son discours d’ouverture ? Ou bien espère-t-il pouvoir revenir dans la course à la primature après une prise de position « musclée » qui lui redonne sa légitimité d’ »opposant » ? Toujours est-il que le message de Kengo est clair : un changement de Constitution pourrait « menacer la paix et la cohésion nationale » en RDC.
« Cabriole »
Sur RFI, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende relativise l’emballement médiatique autour de la Constitution congolaise. Selon lui, les opposants au régime font tout simplement « un procès d’intention au pouvoir« . » Jusqu’au moment où nous parlons, il n’y a aucune initiative en ce qui concerne l’article 220. Je me demande quel plaisir les évêques trouvent à répondre à des questions qu’aucune institution congolaise n’a posé« , martèle Lambert Mende. Sur le site CongoForum, Guy De Boeck, fait une lecture très pragmatique de la situation : « l’enjeu n’est pas la révision, ni l’article 220, mais bien la perpétuation de Joseph Kabila. Quelle que soit la cabriole choisie, la Majorité présidentielle l’approuvera car, si elle est frondeuse sur des points de détails, elle est unanime à désirer le maintien de Joseph Kabila« .
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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